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– Nico, j’ai besoin de toi pour filmer l’enterrement de ma mère.

– T’es sérieux ?

– J’ai besoin d’avoir ces images. Je ne sais pas encore pourquoi mais je veux pas louper ce moment.

-C’est un peu…. indécent non ?

– Bah on filme bien les mariages. Je vois pas pourquoi on filmerait pas les enterrements ?

– C’est un moment de recueillement. Même si les gens donnent leur accord, je serai mal à l’aise pour les filmer.

-Et puis, j’ai très envie de venir à l’enterrement Namir. Mais pas comme cameraman. J’aimais vraiment ta maman. C’est quel jour d’ailleurs ?

– Lundi. Le 2 mars. C’est vraiment important pour moi de filmer Nico.

Nicolas consulte son agenda.

– Aie, je suis en tournage. Je pourrais pas être là. Et c’est une grosse interview. Impossible à décaler.

Nous restons quelques instants en silence.

– Je peux te dire un truc ?

– Ouais, bien sur…

– J’ai l’impression que t’essayes de retenir ta maman. Comme si filmer les gens pouvait les empêche de mourir. Mais elle n’est plus là, Namir

– Qu’est ce que t’en sais. Peut-être que c’est elle qui attend qu’on la filme. Et qu’en nous voyant en train d’essayer de la filmer, elle va d’abord se mettre en colère, mais qu’au fond ça va la faire marrer….

Nicolas m’écoute, triste. Nous nous disons au revoir.

***********

– Allo, Namir ? Euh…. C’est incroyable. Le tournage de l’interview vient d’être reporté d’un jour.

– Tu vas pouvoir venir ?

– Oui.

– Tu vois, même mortes, les mères ont encore le pouvoir de faire annuler des tournages.

Nicolas est venu aux funérailles.

Et il a tout filmé.

L’effondrement de mon père, le chagrin de mon fils, le désarroi de ma sœur, l’amour et la solidarité des uns et des autres, les liturgies, les discours, mes tentatives de faire rire avec mes prises de paroles décalées, les audios que j’ai diffusés, et puis le soleil, larmes et le vent qui faisait danser nos cheveux au cimetière.

En partant, nous nous sommes dit que si Siham était présente à son enterrement ce jour là, elle aurait surement rigolé.

Nous avions filmé de très belles scènes.

Il n’y avait qu’un seul absent à ce spectacle.

Et ce n’était pas ma mère. Mais je ne l’ai su que bien quelques années plus tard.

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