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Ce jour là, j’avais retrouvé ma mère dans un état de tristesse profonde.

– Ça y est Namir, je vais mourir.

J’étais très surpris de retrouver ma mère dans cet état. Certes, son cancer était dans un  état avancé, mais elle avait toujours eu un tempérament de battante. Et on avait encore espoir que sa nouvelle chimiothérapie allait avoir des effets positifs.

– Mais qu’est ce qu’il t’arrive ?

– J’ai rêvé de ma mère.

Sa mère à elle, c’était Victoria, ma grand-mère, décédée deux ans plus tôt.  

– J’ai vu ma mère, assise auprès d’un arbre. Elle me souriait paisible, et me disait « Viens, ma fille, je t’attends. Rejoins-moi. »

Même si je n’osais pas me l’avouer, le récit de son rêve m’avait touché. Une crainte enfouie, que j’ai aussitôt balayée comme à mon habitude, par une de mes namirades. Mais ma tentative de remettre un peu de légèreté dans ce moment d’une grave solennité n’a pas atténué la tristesse de ma mère. 

– Je vais mourir, Namir

– Mais maman, t’es sérieuse ? C’est qu’un rêve.

 

Pour ma mère, ce n’était pas qu’un rêve. Dans notre culture copte égyptienne, les songes ont souvent une portée prémonitoire. Ils ne sont pas perçus comme une émanation des angoisses du rêveur, mais comme des messages de l’au-delà. Des présages.

Il est très fréquent par exemple que des femmes mariées qui n’arrivent pas à tomber enceinte voient en songe la Vierge Marie qui leur annonce qu’elles vont bientôt enfanter.

Et les églises coptes  fourmillent de témoignages confirmant la réalisation de ces annonces faites, non pas au mari, mais à l’épouse, ainsi que de toute sortes de récits de guérisons miraculeuses confirmées par des médecins, coptes évidemment, et dont l’origine se trouverait dans ces songes.

Chacun, en fonction de sa culture et de ces croyances,  verra les rêves comme des expressions de désirs refoulés ou de fantasmes, des prophéties auto-réalisatrices, ou encore des messages venus de l’autre monde, dans lesquels les esprits des morts intercèdent pour nous.

Il y a encore quelques années, j’avais tendance à être très virulent face à ce que je considérais comme de stupides superstitions dangereuses.

Il y avait d’ailleurs une scène dans mon précédent film, ou avec ma mère, o tournait en dérisions certaines superstitions des coptes, comme celle qui consistait à  manger du sable béni par les prêtres du village pour réussir des examens, ou être guéris de maladies.

Ma tante s’était mise très en colère contre nous, et avait avertie ma mère en lui sortant une phrase du genre :

– Attention, Siham, ne te moque pas nos saints !  La langue par laquelle tu pêches, sera celle par laquelle tu seras punie. Tu vas te retrouver avec du poison sur ta langue.

On avait bien ri à l’époque de faire bisquer ma tante.

Lorsque quelques mois plus tard, ma mère a eu son cancer de la langue, j’ai eu beau me défendre d’être superstitieux, je n’ai pas pu m’empêcher de repenser à cette phrase, que dans mon jargon moderne, j’appellerai suggestion négative. 

Aujourd’hui, quand je rêve de ma tante, décédée depuis, de ma mère, ou d’autres parmi mes défunts chéris, je me réjouis de pouvoir les retrouver, même pour quelques instants, me souciant assez peu de savoir qui est le véritable auteur de mes rêves.

En attendant qu’un jour ma mère à son tour m’appelle, et me demande de venir la rejoindre.

Et promis, une fois là-bas, je reviendrai vous faire coucou dans vos rêves sacrés, et je vous révélerai les secrets de leur fabrication.

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